Homélie pour la fête de Saint Michel
29 septembre 2008
Saint Michel au Mont-Saint-Michel
La fête de ce jour a quelque chose d'assez étonnant.
Nous célébrons aujourd'hui en effet trois êtres vivants qui ne sont ni de notre race humaine, ni de notre terre ici-bas. Trois personnages dont nous ne pouvons pratiquement rien dire de précis et que seuls ont pu entrevoir, la durée d’un instant, le jeune Tobie, le prophète Daniel et la Vierge Marie.
Mais cela a suffi pour que l'Écriture qui mentionne clairement leur existence au demeurant, et toute la tradition ecclésiale,
tant d'Orient que d'Occident (si fortement illustrée ici même au Mont-Saint-Michel), retiennent leur nom et les mettent au rang des saints, des saints que nous fêtons sur la terre alors qu'ils ne sont pas de notre terre, mais qui unissent justement la terre et le ciel.
Et ce sont les archanges Michel, Gabriel et Raphaël. Ils font partie de la foule innombrable des êtres vivants qui peuplent le Royaume des cieux.
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On sait combien l'existence des anges est omniprésente dans l'histoire biblique et la vie de Jésus.
Et combien leur présence magnifie la puissance et l'exubérante bonté de Dieu.
De Dieu, maître de l'univers, créateur du ciel et de la terre, des choses visibles et des êtres invisibles, comme l'écrit l'apôtre Paul (Col 1, 16).
Mais qui sont donc ces saints archanges ?
La vocation d'un personnage biblique est essentiellement, on le sait, contenue dans son nom.
Dans le cas de Rapha-ël, Gabri-el et Micha-el, il est frappant de voir combien chacun d’eux porte la mention même de Dieu (El). Car ils sont les familiers de Dieu, ses serviteurs, ceux qui voient sa face dans la lumière du ciel (Is 6) et célèbrent son nom dans la joie du paradis.
Et c’est en cela aussi qu’ils nous intéressent puisque nous sommes déjà concitoyens des saints de la Maison de Dieu (Ep 2, 19).
Au nom du Seigneur, comme l'autre partie de leur nom l'indique, ils sont là pour nous guérir, nous éclairer et nous fortifier.
Nous conduire à la guérison comme Raphaël le fit avec Tobie (Tb 6, 2 et sv. ; 11, 1 et sv.) ;
nous guider vers la lumière, comme Gabriel le fit avec Marie (Lc 1, 35-37) ;
nous soutenir dans le combat, comme Michel le fit dans l'Apocalypse (Ap 12, 7), en pourfendant l'Adversaire, comme nous le rappelle la statue de l'archange dressée en plein ciel, au-dessus de la flèche de cette église abbatiale.
C'est dire combien ils peuvent nous aider, nous soutenir, nous accompagner.
Et nous pouvons, dans la lumière de notre foi (voilà pourquoi nombre d'entre nous sont là aujourd'hui), nous pouvons leur demander leur protection, leur appui, leur intercession.
Comme Jésus nous le dit, Ils voient la face de Dieu (Mt 18, 10).
Ils demeurent donc pour nous des intermédiaires aussi efficaces que fraternels entre le ciel où nous allons et où nous les verrons pour chanter avec eux la gloire du Seigneur, et cette terre où nous vivons et où nous continuons à combattre, nous aussi, contre les forces du mal (Ep 6, 12 ; Hb 2, 14).
Plus fondamentalement encore, les anges nous aident à répondre à une des questions les plus essentielles de notre vie sur terre ; de notre vie qui prend sa source dans le mystère des origines et trouve son terme dans le mystère des fins dernières.
En affirmant l'existence des anges, au point de nous demander de les célébrer autant dans la fête de ce jour que dans la liturgie de tous les jours (on les mentionne à la fin de chaque prière eucharistique), l'Église nous offre une immense lumière.
Nous ne sommes pas les seuls êtres vivants à peupler l'univers à titre de créatures pouvant se dire images de Dieu.
Avant nous, hors de nous, et encore aujourd'hui autour de nous, il y a des vivants !
Des vivants qui se sont battus et se battent encore pour le bon combat de la lumière, de l'écoute de Dieu, de la foi, de l'espérance et de l’amour.
Le mal existe et ce n'est ni Dieu qui l’a créé ni l'homme seul qui l’a provoqué (Sg 1, 13-14). Contre la lumière, l'obéissance au Seigneur, la soumission librement consentie à son plan d'amour, des anges se sont révoltés. Et se révoltent encore (Sg 2, 23-24).
Jésus lui-même a dû et a voulu, dès le commencement, les affronter (Mt 4, 1 et sv.).
De la tentation de la Genèse au combat de Michel dont témoigne l'Apocalypse, à la fin des temps, la Bible ne craint pas d’en témoigner.
Nous avons nous aussi à mener, comme dit l'apôtre Paul, le bon combat.
Mais sans oublier que ce combat quotidien et d'abord spirituel. Spirituel, mais combien réel ! (Ep 6, 10-17)
Car c'est celui de la foi, de l'espérance et de la charité (1 Th 5, 8) à mener d'abord dans notre propre cœur !
Gabriel, Michel et Raphaël sont donc là, avec tout ceux que nous fêterons dans quelques jours à titre d'anges gardiens,
pour nous rejoindre au plus concret de notre vie et au plus clair de la communion des saints.
*
Puisque nous voilà, en ce jour, réunis dans l'église abbatiale de ce Mont dédié à l'archange Saint-Michel, et où, depuis 1300 ans déjà, la prière a porté les pas de tant de pèlerins, le chant de tant de moines, rendons grâce au Seigneur de nous donner un tel protecteur !
On pourrait être étonné que la liturgie lui donne le titre de chef des milices célestes.
Mais, dans la nuit de Bethléem, l'Évangile nous parle de la troupe de l'armée céleste qui chante Alléluia (Lc 2, 14),
et à Gethsémani, des douze légions d'anges qui pourraient venir au secours de Jésus (Mt 26, 53).
C'est que Dieu lui-même s'engage le premier dans la lutte que nous avons à mener contre les forces du mal.
Que Saint-Michel demeure donc toujours à nos côtés !
Et, avec son aide, menons avec foi le bon combat de la paix !