Homélie pour la fête de Saint Michel 2019
Homélie pour la fête de Saint Michel 2019 - Abbé Thierry Anquetil
29 septembre 2019
29 septembre 2019
Qui est comme Dieu ?
Qui est comme Dieu ? Tel est la signification du prénom hébreu Mickaël. C’est une question que nous adresse St Michel en ce lieu. Il nous l’adresse à chacun : qui est comme Dieu ? Il me semble que pour tenter de répondre à cette question, il faut au préalable se demander : « qui est Dieu ? », et cela à partir de l’environnement que St Michel a choisi ici, pour que lui soit consacré un sanctuaire. C’est-à-dire qu’il s’agit de répondre à la question en contemplant la merveille dans son écrin, à savoir la baie du Mont Saint Michel. Ce n’est pas indifférent que Dieu, par la médiation de St Aubert, évêque d’Avranches, a voulu le sanctuaire du Mont dans cette baie-là.
Vous le savez certainement, la baie du Mont St Michel se caractérise, entre autres, par l’ampleur de ses marées, parmi les plus fortes d’Europe, jusqu’à 15m de différence entre basse et haute mer. La mer peut se découvrir sur 250 km², et se retirer à 15 km des côtes. Aussi loin est-elle partie, aussi vite remonte-t-elle. Dans ce ballet extraordinaire de va et vient au long des jours, des semaines, des mois, des années, des siècles est sans cesse révélé des paysages extraordinaires, sans cesse révélé une biodiversité de faune et de flore, sans cesse révélé des herbus, révélé des fleuves. La mer se retire pour faire advenir. Advenir à la lumière, à la vie ce qui, un temps, n’était plus visible. Et lorsque la mer se dérobe à notre vue, se confond à l’horizon, cela ne signifie pas qu’elle n’est plus là. Bien au contraire, retirée, perdue de vue, elle demeure. Spectacle grandiose de la baie
Ainsi en est-il de Dieu. La philosophe Simone Weil écrivait dans l’ouvrage la pesanteur et la grâce : « La Création est de la part de Dieu un acte non pas d'expansion de soi, mais de retrait, de renoncement ». Ainsi lorsque le Créateur fait advenir la création, fait advenir les créatures, il leur est présent sous une forme d’apparaitre et de disparaître. Et de préciser lorsque Dieu se retire, il ne s’absente pas, il ne délaisse pas, il fait advenir. Il en est de même pour Jésus, le Rédempteur : « si je ne m’en vais pas, le Défenseur ne viendra pas à vous ». A l’Ascension, Jésus disparait aux yeux des apôtres pour que l’Esprit vienne, tout en leur assurant : « Et moi, je suis tous les jours avec vous jusqu’à la fin du monde ». Si Dieu a la capacité de disparaître/apparaître, s’il se retire pour faire advenir, c’est que toutes ses puissances, toutes ses potentialités sont accomplies, sont comblées. IL EST CELUI QUI EST ! C’est en cela qu’est sa Toute-Puissance ! Toutes ses puissances d’être sont pleines et entières. Et puisqu’Il EST : « Je suis », Il n’a rien a prouvé à personne, et peut donc se retirer, en continuant d’être, en faisant advenir d’autres pour qu’ils viennent à exister en eux-mêmes et par eux-mêmes.
Voilà ce que révèle l’archange du haut de sa flèche de la nature même de Dieu, lorsque nous contemplons la baie. Et s’il nous partage cela, c’est pour que nous puissions participer à cet être de Dieu, pour que nous soyons davantage semblables à Lui, et que nous vivions davantage comme Lui. Ainsi, nous aussi, tout en nous donnant pleinement, nous avons à apprendre à nous retirer, à apprendre à renoncer à nous-mêmes, pour faire advenir un autre, afin de lui révéler le meilleur de lui-même, de le faire advenir à ce qu’il est, et cela dans les limites de ce qu’il est. C’est vrai pour les époux. L’époux tout en se donnant pleinement, est t’invité à renoncer à soi, à se retirer, pour faire advenir l’épouse, et réciproquement. C’est vrai pour un père, une mère : tout en se donnant, ils sont appelés à renoncer à tout désir personnel pour l’enfant, à renoncer à toute forme de possessivité pour faire advenir l’enfant. C’est vrai pour un prieur, une prieure, un évêque… où il s’agit, tout en se donnant, de se retirer pour faire grandir son frère ou sa sœur. C’est vrai dans l’amitié, c’est vrai dans toutes relations humaines car le propre de l’amour est de se donner en s’effaçant, afin de faire grandir l’autre, tout en restant pleinement soi-même. Est comme Dieu celui et celle qui vit et aime de cette façon-là !
Soyons avisés, participer à la nature même de Dieu en aimant et servant ainsi est un combat à livrer contre nous-même et contre l’Adversaire, lui qui a refusé de servir Dieu ainsi : « Non serviam ». Aussi St Michel archange prie pour nous, il intercède pour nous, qui voulons être comme Dieu.
« Voici un véritable fils d’Israël, un homme qui ne sais pas mentir. Nathanaël lui demande alors : Comment-me connais-tu ? » Jésus lui répond : « Avant que Philippe te parle, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu ». Magnifique illustration où Jésus révèle qu’il n’a jamais cessé d’être présent à Nathanaël, même si lui l’ignorait, et lui révèle alors le meilleur de lui-même. « Voici un véritable fils d’Israël, un homme qui ne sais pas mentir. Qu’il soit donné à chacun, par l’intercession de St Michel, d’accueillir cette présence qui ne cesse d’être là aussi bien à marée basse comme à marée haute.